Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
petites-aventures-ordinaires.fr

Les petites aventures de Monsieur et Madame tout le monde

La valeur des souvenirs

Elle est venue chez lui, pour la première fois, à l’âge de dix-sept ans. Dix sept ans et sans être totalement inculte, elle n’en était pas moins une campagnarde, ignorante des us et coutumes de la ville. Elle ne se sentait pas impressionnée non, mais intimidée.

Intimidée par la masse grouillante d’humains qui ne sont plus un mais qui sont des milliers, qui ne représentent plus l’individu donc la singularité mais un flot continu en passe de dissoudre sa personnalité, de la perdre. Dans la rue, elle a cherché à stopper le mouvement, elle voulait obliger ses semblables à ralentir.

Mais elle savait qu’en agissant ainsi, elle se ferait engloutir. Alors, elle a frissonné. Et elle a avancé. A pas lents puis rapides, se calquant sur le rythme de Paris. Elle était prête à courir, à l’aveugle, pour le rejoindre. Pour lui. Qui l’intimidait autant que la capitale.

Avec le recul, le passage des années, elle a tendance à se trouver sotte, à se maudire pour sa naïveté. Mais elle a également conscience de la valeur de ces instants où elle éprouvait si peu de frayeur, une confiance virginale : elle ne doutait pas que l’avenir lui réserve le meilleur accueil qui soit.

Finalement, la vie l’a légèrement écorchée, quelques illusions qui s’envolent. Elle ne prétend pas avoir souffert, il y a une différence entre la souffrance et la prise de conscience de ce qui constitue normalement une existence.

Elle ne regrette pas ce qu’elle a vécu, avec lui. C’était doux, intime. Ils ont peu parlé, se sont compris. Jusqu’à ce que le silence grignote leur belle entente, ne laisse que des incertitudes.

Les mécaniques humaines sont si difficiles à accorder. Pourtant, elle y a cru. Elle l’aurait suivi au point de se désagréger. Si elle avait été plus courageuse, si la vie n’avait pas coulé en elle, par sursauts, elle aurait suivi cette voie, acceptant le sacrifice. Il aurait été son alpha et son oméga. Elle aurait respiré son air, elle s’en serait contentée.

Il n’aurait pas eu à lui demander ce qu’elle souhaitait faire, ce qui la rendrait heureuse. Elle aurait tout accepté, ses caprices, ses envies, son égoïsme et sa liberté.

Mais même pour elle, que le silence enveloppe, qui s’en nourrit, la vie ne pouvait être une option. Les sentiments non plus. Alors, elle a refusé de picorer, cet amour en demi-teinte, qu’ils n’ont jamais nommé.

Elle l’a quitté avec l’envie de se tirer une balle dans la tête ; pourtant, elle a tenu bon. Elle a cru un temps que sans lui, elle ne serait rien.

Puis, elle a compris : il la mettait en valeur, en s’intéressant à elle, avec son sourire et sa bienveillance, son mutisme et son exubérance, son charisme et sa tendance à se replier sur lui-même. Un puzzle aux multiples facettes qu’aujourd’hui encore, elle ne sait pas reconstituer. Un mystère qu’au fil des années, elle a naturellement,

Mis de côté.

C’était lui.

C’était eux.

Aujourd’hui, il y a elle,

Et sa fille.

Il s’est effacé du paysage,

Et c’est très bien ainsi.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article